Une trentaine d’éditeurs de livres illustrés catalans, espagnols et français réunis à Barcelone

Compte rendu

novembre 2024

Pour se familiariser avec les chiffres-clés et les tendances du secteur en Espagne et en France, les deux marchés ont été présentés par Mathilde Barrois, directrice des droits étrangers aux éditions Gallimard loisirs, et l’éditeur et traducteur Joan de Sola, également représentant de l’Institut Ramon Llull, en charge de la promotion de la langue et de la culture catalane.


L’édition espagnole est essentiellement concentrée à Madrid et Barcelone. La part du CA des éditeurs catalans, tous genres confondus, s’élève à 1,5 milliard d’euros (chiffres 2023), soit 10 % du CA espagnol global. Les principaux secteurs du marché en catalan sont la littérature, la jeunesse (malgré le fait que de moins en moins de jeunes maîtrisent cette langue) et la non-fiction. Les livres illustrés ne représentent que 1 % du CA, soit 16 millions d’euros en 2023, en hausse constante depuis 10 ans. Le gros des ventes en Catalogne se fait en librairie, puis en grandes surfaces. La vente en ligne reste encore très faible. 


Présentation des marchés à l'Institut français de Barcelone



Essor du livre pratique en France


En France, le livre pratique arrive en 5e position des ventes avec 12,3 % de parts de marché en 2023, ce qui représente une hausse de 2,1 % par rapport à 2022. Le tirage moyen a également nettement augmenté depuis 20 ans. En tête des ventes figurent les livres de développement personnel, de loisirs créatifs et les ouvrages de cuisine qui, malgré une légère baisse après la pandémie, représentent toujours un quart des ventes. Les beaux livres sur l’espace font également rêver les lecteurs français et sont en tête des ventes, notamment ceux de Thomas Pesquet (Flammarion) et du physicien Christophe Galfard (Michel Lafon), arrivant en 2e, 3e et 4e positions du top 10 des meilleures ventes de livres illustrés.


L’évolution est moins bonne pour le livre d’art dont le tirage moyen est en constante baisse depuis 20 ans et dont la part de marché a légèrement diminué, se situant à 2,7 % en 2023. Malgré tout, les catalogues des grandes expositions parisiennes sur Marc Rothko (Citadelles et Mazenot) et Nicolas de Staël (Paris Musées) figurent parmi les meilleures ventes des livres illustrés.


Rendez-vous BtoB à la médiathèque 



Le français se maintient comme la deuxième langue traduite


En ce qui concerne les traductions en Espagne, 13 440 titres sur 92 616 livres publiés ont été des traductions en 2022, soit 15 % des publications, ce qui représente une baisse de 8 % par rapport à 2002, selon les statistiques du ministère de la Culture espagnol.


Sans surprise, la langue la plus traduite est l’anglais avec 6 530 titres en 2022 (même si, en Espagne aussi, de plus en plus de lecteurs lisent directement en anglais), suivi du français avec 1 500 titres, soit 11 % des traductions. Un pic de plus de 1 800 titres français traduits en espagnols a été atteint en 2017 et 2018, après l’invitation d’honneur de la France à la Foire du livre de Francfort. En Catalogne, presque 32 % des livres publiés en 2022 étaient des traductions (contre 15 % en Espagne). Ceci s’explique par le fait que 78 % des d’éditeurs sont basés à Barcelone.


À l’inverse, l’espagnol est, pour la deuxième année consécutive, la principale langue de traduction en France avec 1 661 droits cédés en 2023, tous genres confondus et coéditions incluses, dont la grande majorité en Espagne (1 360 cessions), puis en Argentine (154) et au Mexique (116). La même année, 59 livres pratiques et 15 livres d’art ont été cédés en langue espagnole. Les cessions du français vers le catalan sont plus rares avec 7 livres pratiques et 3 titres seulement dans le domaine du livre d’art et des beaux livres.


Katja Petrovic


 


"Le marché du beau livre est plus tendu en Espagne qu'en France"


Saskia Adriaensen, coordination éditoriale et responsable des droits chez éditorial GG 

 

"Editorial GG est une maison indépendante, basée à Barcelone et au Mexique, spécialisée en non-fiction. Nous publions des livres pratiques, des livres d’art, d’architecture, de design, de mode, etc., en espagnol, et à titre exceptionnel également quelques auteurs catalans en catalan – cela dépend des subventions. Entre 80 et 90 % de nos titres sont des traductions, le français représente 10 % environ avec 5 titres par an. Je connais relativement bien le marché français et j’apprécie particulièrement les essais illustrés sur la nature : nous venons de publier par exemple Être un chêne (Actes Sud) et L’Éloge des oiseaux de passage (éditions des Équateurs). Il y a quelques années, nous avons publié pas mal de beaux livres, des monographies d’architectes par exemple, mais moins aujourd’hui car le marché espagnol est tendu dans ce secteur, beaucoup plus  qu’en France. En général le tirage moyen en France est énorme comparé à l’Espagne et à l’Amérique latine."



 

"ll y a une véritable synergie entre nos deux marchés"


Elsa Vicente, directrice éditoriale chez Dorling Kindersley


"Nous sommes basés à Londres et publions principalement des titres de DK traduit de l’anglais en Espagne. L'année dernière, nous avons commencé à acheter des droits également, notamment du français. Nous publions en espagnol et testons à nouveau la vente de livres en catalan. Nous avons déjà essayé de vendre du préscolaire en catalan, mais sans succès. Aujourd'hui, nous essayons avec les livres pour enfants qui se développent beaucoup sur le marché catalan. De manière générale, nous tâchons de nous distinguer des autres éditeurs en créant nos propres tendances. Pour un livre de recettes par exemple, nous mettons l’accent sur les techniques de préparation. Nous évoquons aussi l'histoire des recettes et expliquons d'où viennent les ingrédients. Le marché français m’intéresse beaucoup car il y a une synergie entre nos marchés, nous connaissons les mêmes tendances. Les styles et les sujets aussi sont très proches. Je connais le catalogue des éditeurs français mais cela ne fait pas longtemps que nous achetons des droits et je suis contente d’avoir rencontré les responsables de droit en personne ! Avec sept rendez-vous en une journée, mon agenda a été bien rempli à Barcelone !"



 

Notre catalogue est souvent perçu comme avant-gardiste par les éditeurs espagnols

Élodie Gachot, responsable des droits chez Edi8, pôle pratique et illustré 
(Solar, First, Gründ, Hors Collection et Tana)


"Nous publions du développement personnel, du loisir créatif, du sport, de la cuisine, des beaux livres, dans tous les formats. Les cessions vers le catalan sont très rares, la dernière, Ma cure du silence (First), date de 2017 ou 2018. Les éditeurs espagnols en revanche sont mes plus gros clients. J’ai un bon feeling avec eux, nos marchés sont assez proches et notre catalogue est souvent perçu comme avant-gardiste. Il y a deux ans, nous avons par exemple sorti un titre sur l’éducation positive. Ce n’était pas un sujet nouveau en France mais en Espagne il n’y avait pas encore de critique de l’école Montesorri. J’ai souvent ce retour-là sur nos titres."





La fermeture temporaire du Centre Pompidou nous oblige à  développer notre marque

Charlotte Lassansaa, chargée des cessions et des ventes directes des éditions du Centre Pompidou.


"Notre catalogue se concentre sur les catalogues des grandes expositions au Centre Pompidou dont beaucoup tournent en Espagne, au Centre Pompidou Malaga, à la Caixa ou à la fondation Mapfre. Visiter les libraires à Barcelone est une façon de voir si nos expositions résonnent ici et comment nos collections peuvent être accueillies. Concernant la vente des droits, nous ne fonctionnons pas de manière classique car nous ne sommes pas en contact direct avec les éditeurs. C’est le musée qui choisit l’éditeur espagnol de notre catalogue et je suis venue pour mieux comprendre ce modèle, à savoir comment les éditeurs sont choisis, comment ils travaillent avec les institutions et si cela peut être  développé.  J’ai également rencontré des éditeurs catalans qui essaient de développer de l’art. Je ne sais pas si cela va correspondre mais il y a un intérêt pour des contenus artistiques et c’est une bonne surprise. Nous faisons aussi quelques cessions et coéditions notamment pour la collection L’art en jeu – une collection emblématique des années 80 que nous avons réactivée il y a trois ans. Du fait de la longue fermeture du Centre Pompidou nous avons besoin de développer notre marque, c’est un vrai enjeu pour nous."


Propos recueillis par Katja Petrovic