L’Espagne à l’honneur et la BD en vedette à la Foire du livre de Guadalajara

Compte rendu

janvier 2025

Plus de 18 000 professionnels ont échangé entre eux et avec le grand public durant neuf jours. 880 auteurs étaient présents dont deux prix Nobel, le Tanzanien Abdulrazak Gurnah et le Danois Morten Meldal. Étaient également invités László Krasznahorkai, Prix Formentor 2024, Mia Couto, Prix FIL de littérature en langues romanes, Gabriela Cabezón Cámara, lauréate du Prix Sor Juana Inès de la Cruz, ainsi que plusieurs écrivains qui participent chaque année à la Foire comme Benito Taibo, Mónica Lavín, Antonio Ortuño, Rosa Beltrán, Guillermo Arriaga et Jorge Volpi, ce qui a largement contribué au succès de cette édition. Avec une programmation de plus de 1 500 ateliers, la FIL niños, espace dédié aux enfants, a rencontré également un vif succès en recevant près de 195 000 personnes.



 Du public sur le stand du BIEF

 

Le stand France a accueilli la sélection d’ouvrages "Foires du Monde" ainsi que de nombreux livres apportés par la librairie française de Mexico City. Quatre éditeurs français étaient physiquement présents : Anna Sainaghi (Piccolia), Janice Yip (Hachette Illustré), Alba Alonso Caballero (Calmann-Levy) et Alice Déon (La Table Ronde) ce qui a été fortement apprécié par les éditeurs mexicains. Même si la prise de rendez-vous en amont semble quelquefois laborieuse, elle se concrétise souvent sur l'espace même de la foire et se solde généralement par des offres de contrats. La directrice de la librairie française, Julieta Salgado, a annoncé à l'occasion de la FIL qu’un deuxième point de vente sera prochainement ouvert à Mexico dans le quartier de Condesa. Le livre français sera donc bien représenté à côté d’une sélection de titres jeunesse en espagnol, afin de répondre à la clientèle du quartier.



Le bruit de la foire ne semble pas gêner ce jeune lecteur !


La bande dessinée et le roman graphique ne cessent de prospérer. Une allée spécifique a pris place dans cette foire regroupant de nombreux éditeurs de toute l’Amérique latine. Au Mexique, il existe de plus en plus d'espaces exclusifs pour le roman graphique et la FIL l’a bien compris en concoctant un programme dédié réunissant créateurs, éditeurs et public. “Contrairement à d'autres salons de bande dessinée où il y a du cosplay ou des jeux vidéo, les organisateurs de la FIL préfèrent ne mettre en avant que le livre, l’auteur et l'illustrateur”, explique Armando Montes, coordinateur de cet espace. Selon l'étude de l'INEGI sur la lecture en 2024, 4,6 % des lecteurs ont une préférence pour la bande dessinée, un pourcentage qui augmente grâce à l'accessibilité et à la capacité d'aborder des thématiques universelles. Depuis les problèmes sociaux jusqu’aux fictions, les créateurs mexicains explorent désormais un large éventail de thèmes et de récits qui vont bien au-delà des super-héros traditionnels.
 


État des lieux du marché mexicain

 

Le PDG du Grupo Planeta para America, José Calafell Salgado, a présenté un panorama approfondi du marché de l'édition au Mexique et en Amérique latine, soulignant l’impact de la pandémie, les tendances en matière de lecture et la pertinence de nouvelles plateformes comme Amazon : “La baisse des ventes de livres d’intérêt général a été d’environ 20% au Mexique pendant la pandémie.” Toutefois, la reprise a été notable. 


En 2021, les ventes ont augmenté de 35%, dépassant celles de 2019. Cette tendance positive s’est poursuivie, avec une augmentation de 10% en 2022 et de 11,4% en 2023 et 2024 s’annonce encore meilleure.

 


Concernant les habitudes de lecture, le marché n'est pas uniforme, mais il existe des tendances. La non-fiction, en particulier les essais et les livres de développement personnel, est très demandée. Un exemple en est le succès d’Atomic Habits de James Clear, le livre le plus vendu au Mexique ces dernières années. Le grand moteur est la littérature jeunesse… les sagas telles que Fourth Wings de Rebecca Yarros sont les plus populaires. L'influence d'auteurs tels que J.K. Rowling, qui ont permis de promouvoir une culture de la lecture à travers le divertissement, a contribué à initier de nombreuses personnes à la littérature à travers les rêves. 

 

Quant à l'arrivée d'Amazon sur des marchés comme le Brésil, le Mexique et les États-Unis, José Calafell a une position partagée par d'autres professionnels. “Au Mexique, Amazon est très important, mais il doit y avoir un équilibre avec les librairies, qui existe au Mexique contrairement au Brésil ou l’émergence de la plateforme a affecté les grandes chaînes, provoquant des fermetures.”



Christine KARAVIAS




Paroles d'éditeurs



Janice Yip, responsable des droits étrangers 

chez Hachette Illustré

 

Janice Yip

“Le marché mexicain est plutôt stable et la Foire de Guadalajara est une bonne opportunité pour rencontrer les éditeurs hispanophones de toute l’Amérique latine, mais également de l’Espagne. Ce déplacement m’a permis de revoir un éditeur espagnol pour concrétiser et finaliser les discussions que nous avions eues à Francfort. Cette foire nous laisse plus de temps pour échanger avec les éditeurs étrangers, avec des rendez-vous de près d’une heure, ce qui est très appréciable. Nous avons le temps de voir l’ensemble du ou des catalogues dont nous nous occupons. Les livres pratiques (santé, self-help, etc.), de jeunesse et de sciences humaines restent toujours leurs intérêts principaux.”




Alba Alonso Caballero, responsable des droits étrangers chez Calmann-Lévy


Alba Alonso Caballero

“Il faut aller parcourir les stands et parler aux gens pour se présenter et obtenir des rendez-vous. Il faudra ensuite revenir à intervalles réguliers pour maintenir les liens et obtenir des résultats. La force des maisons indépendantes se reflète dans la variété des stands, plus petits que les stands des grands groupes mais nombreux. Les titres de sciences sociales du fonds de Calmann-Levy ont attiré l’attention des éditeurs mexicains. On m’a demandé les livres de Pascal Quignard, Anne Dufourmantelle, Jacques Derrida, Gérard Pommier, Paul Ricoeur, Julia Kristeva, ou encore Mona Chollet dont la plupart sont déjà cédés en espagnol. J’ai également rencontré des éditeurs de fiction qui ont des nouvelles collections de littérature arabe - mon planning s’est vite rempli avec des éditeurs intéressés, disponibles, et très aimables.”



Propos recueillis par Christine KARAVIAS