Beau succès pour la première édition du programme Goldschmidt+
Le programme Goldschmidt, destiné aux jeunes traductrices et traducteurs littéraires allemands, suisses et français en début de carrière fêtera ses 25 ans l’année prochaine. Reconnu comme étant un véritable tremplin pour ces jeunes traducteurs, ce programme, coorganisé par le BIEF, la Foire du livre de Francfort, Pro Helvetia et l’OFAJ, a inspiré de nombreuses formations dans ce domaine.
250 traducteurs spécialisés dans la traduction littéraire franco-allemande ont été formés au cours de ces 25 années. Cependant, face à la baisse des traductions des romans germanophones en France, les organisateurs ont décidé d’alterner le programme Goldschmidt sous sa forme classique avec le programme Goldschmidt+ qui offre une formation continue aux anciens participants Goldschmidt.
Le groupe au festival Vo-Vf à Gif-sur-Yvette
Pour renforcer le réseau et donner plus de visibilité aux participants, le programme Goldschmidt+ leur permet de prendre part à des manifestations littéraires dans les trois pays, à savoir le festival littéraire de Soleure en Suisse, le Festival Vo-Vf à Gif-sur Yvette et la Foire du livre de Francfort. "Rencontrer des acteurs de toutes les branches du livre ou simplement dialoguer avec des collègues traducteurs est très précieux. Les différentes étapes du programme étaient des moments de partage qui m’ont permis de m’impliquer pleinement dans le monde littéraire tout au long de l’année", affirme le Français Gaël Le Lostec.
Un fort intérêt pour les auteurs francophones
L’étape française du programme avait lieu en octobre et a commencé par deux journées professionnelles à Paris. Les participants ont pu assister à une table ronde sur les prix littéraires dans l’espace francophone dans le cadre des Rendez-vous du livre francophone pendant laquelle l’importance de former une nouvelle génération de traducteurs a été soulignée. Traduisant entre autres des textes francophones, les participants du programme Goldschmidt+ rendent par ailleurs hommage à la diversité de la littérature en langue française.
Un accueil chalereux aux Arènes
Également au programme : des rencontres avec les équipes des Éditions Phébus, Libella, Les Arènes et L’Iconoclaste qui ont donné lieu à des échanges sur la manière dont les maisons travaillent avec les traducteurs, notamment sur leur rôle en tant qu’apporteur de projet.
"No-one left behind, no language left behind, no book left behind", telle est la devise du Conseil Européen des Associations de Traducteurs Littéraires (CEATL) qui a organisé les Rencontres européennes de la traduction littéraire à Strasbourg du 2 au 4 octobre. Cette conférence a donné lieu à une table ronde sur la traduction littéraire et l’intelligence artificielle que les participants Goldschmidt+ ont pu suivre à distance. L’utilisation de l’IA est l’une des préoccupations centrales des traducteurs littéraires et les confronte à un nombre de problèmes à la fois d’ordre légal (droit d’auteur, transparence), financier (rémunération inférieure) et professionnel (traductions moins créatives, variété lexicale inférieure). Selon Ela Varošanec Krsnik, traductrice littéraire et membre du groupe de travail Intelligence artificielle du CEATL, les traducteurs ne devraient pourtant pas craindre l’IA, mais rester prudents et proactifs, car "chaque langue et chaque livre mérite un traducteur humain !"
L'ouverture du festival Vo-Vf 2024 en présence de son parrain Sorj Chalandon
Après ces journées riches en rencontres et échanges à Paris, les participants se sont rendus au Festival Vo-Vf, à Gif-sur-Yvette. Depuis 2013, cette manifestation entièrement dédiée à la traduction invite son public à découvrir la littérature étrangère à travers la voix des traducteurs et auteurs du monde entier. "Je repars de ce festival plus inspirée que jamais. Avoir entendu des voix aussi diverses parler d’écriture, de langue et de traduction me rappelle la nécessité de ce que nous faisons ", résume Justine Coquel, participante française du programme Goldschmidt+.
Réflexions sur la traduction et l’écriture créative
En plus d’assister aux manifestations du festival, les participants sont invités à les animer. Ainsi, Claire Schmartz, Justine Coquel et Valentin Decoppet ont proposé un atelier sur la possibilité de traduire des textes écrits dans une langue inventée comme celle des elfes dans Le Seigneur des anneaux en se servant des techniques de traduction de manière créative. Cet exercice, appelé "craduction", se situe donc au croisement de la traduction et de l’écriture créative. "Il s’agissait de percevoir la traduction comme un processus mécanique que l’on peut appliquer à toutes les langues", explique Justine Coquel. "Nous avons eu des résultats en français, en allemand, en anglais et en créole. Certains ont cherché la rime, d’autres à composer en alexandrins à partir de langues et de patois qu’ils ne maîtrisaient pas. Animer cet atelier m’a permis de découvrir une nouvelle facette du travail de traduction en collectif."
La communauté des jeunes professionnels franco-allemands et suisses réunie à Francfort
Après le festival, les participants ont été invités à la Foire du livre de Francfort pour suivre un séminaire professionnel et prendre part, là encore, activement à la programmation de la Foire. Ainsi, Boris Kenov, participant suisse du programme, est intervenu dans une conférence autour des enjeux et défis auxquels les traducteurs professionnels sont confrontés aujourd’hui et Lina Robertz, participante allemande, a pu partager son expérience sur les différents chemins menant à une carrière dans l’édition.
En clôture du programme, les participants étaient invités au traditionnel petit-déjeuner destiné aux anciens participants du programme Goldschmidt et du Paris-Francfort Fellowship qui a réuni une quarantaine de jeunes professionnels. Un cadre idéal pour fêter le succès de ce nouveau programme Goldschmidt+ !
Hannah SANDVOSS et Katja PETROVIC
L’importance du travail
en collectif pour les traducteurs
Marion Maurin, participante française du programme, est traductrice de l’allemand vers le français, spécialisée en sciences humaines et poésie. Elle traduit de préférence en collectif, puisque c’est pour elle la meilleure façon de discerner les multiples voix d’un texte.
"La traductrice isolée dans sa mansarde avec ses livres et ses dictionnaires, voilà l'image qui m'a longtemps rebutée et tenue éloignée du métier. Puis j'ai découvert le Versatorium, un collectif de traduction de poésie basé à Vienne. Avec un groupe de germanophones et italophones, nous avons travaillé pendant une semaine sur des tercets de La Divine Comédie de Dante, lu, scruté, joué avec les mots. À la fin de la semaine, j'avais décidé de devenir traductrice. Je fais aujourd'hui partie du même collectif, que je rejoins régulièrement pour des ateliers durant lesquels nous traduisons depuis des langues diverses (italien, norvégien, chinois…). Ces expériences ont profondément marqué ma pratique. J'aime partager des textes, les entendre réciter par d'autres voix et avec d'autres accents. J'essaye d'intégrer le plus possible ces moments de mise en commun et d'échange dans mon travail en rejoignant des ateliers de traduction comme ViceVersa du programme TOLEDO ou le programme Georges-Arthur Goldschmidt.
Je ne connais pas d'outil capable d'arpenter la langue et de creuser les mots de façon aussi intense et créative, de déployer un savoir aussi éclectique et étendu. Le collectif met aussi en valeur la part de jeu qui pour moi appartient fondamentalement à la traduction. Il donne la liberté et l'audace de s'aventurer beaucoup plus loin, là où seule je n'oserais pas mettre les pieds. Le collectif enrichit ma lecture et mon écriture, me donne confiance dans mes choix et apporte une gaieté et une originalité précieuses à mon travail."
Propos recueillis par Hannah SANDVOSS