Retour au Caire où se tient le plus grand salon du livre des pays arabes

Compte rendu

février 2024

Dans le cadre d’un travail de rapprochement entre éditeurs français et arabophones, le Salon international du Caire est un point de rendez-vous intéressant à différents égards. Commercialement, il est un enjeu majeur pour les exposants, au même titre que les salons de Riyad, Sharjah ou Bagdad, où la majorité des ventes est généralement réalisée. Étant donné la situation économique très difficile en Égypte, avec une monnaie au plus bas, les éditeurs ont globalement adopté une politique de prix très réduits avec des remises allant de 40 % à 50 % au lieu de 20 % à 30 %. Une stratégie qui semble avoir porté ses fruits car selon plusieurs d’entre eux, les lecteurs et les ventes ont été au rendez-vous. 



L’évènement se tient pendant deux semaines dans l’enceinte d’un immense parc des expositions flambant neuf, dans une partie de la ville encore en construction. Pour sa 55e édition, ce salon créé en 1969 avait mis à l’honneur la Norvège, et un nombre non négligeable de traductions toutes récentes publiées en arabe. 



Cairo calling, 4 jours, 27 participants, 21 pays


Côté professionnel, le programme d’invitation Cairo calling créé par Sherif Bakr, directeur général de la maison d’édition Al-Arabi, et co-organisé cette année avec l’agente Fatima Abbas, est un temps fort pour la découverte de l’édition égyptienne. Conçu sur quatre jours, il a réuni 27 participants de 21 pays dont deux Françaises : Annie Li, du groupe Bayard, et Emmanuelle Collas des éditions éponymes.


Mathilde Barrois, directrice des droits chez Gallimard loisirs, était également présente, indépendamment du programme d’invitation, afin de présenter ses nouveautés et collections phares aux éditeurs égyptiens. "La langue arabe n’est pas une priorité pour le marché des droits de l’illustré adulte, mais j’y ai vu l’opportunité de rencontrer en quelques jours la totalité des éditeurs égyptiens et de langue arabe que je n’ai que rarement l’occasion de voir sur les grandes foires internationales, faute de temps. Comme à Guadalajara, la foire est le royaume de l’informel et peu de rendez-vous sont calés avant le départ, mais une fois sur place, les éditeurs m’ont accueillie avec chaleur et se sont tous rendus disponibles pour échanger longuement sur nos marchés et sur mes catalogues. Quelques collections ont retenu leur attention, à suivre donc dans les prochains mois !"


Une francophonie bien vivante  


Outre la notoriété de l’édition française, certains éditeurs y voient une alternative aux publications anglo-saxonnes, quand d’autres représentent la francophonie égyptienne ! Le pays a une longue tradition francophone et le français, dans un contexte très plurilingue, est considéré comme la langue de l’élite tandis que l'anglais est la langue des affaires. L’accord signé entre l’Égypte et l’Agence française de développement (AFD) visant à instaurer le français obligatoire en seconde langue dans les écoles publiques à partir de l’année scolaire 2024-2025 renforcera possiblement ce lien de l’Égypte avec la francophonie. Car elle y est encore vivante comme le montre la participation de quatre librairies francophones au stand du BIEF : Les amis du livre, la librairie Renaissance, la Librairie franco-égyptienne et la Librairie francophone, toutes partenaires de longue date de l’Institut français d’Égypte qui organisera d’ailleurs pour la troisième année consécutive son salon du livre francophone, en mai prochain. 


Piratage et contrôle des contenus 

 

Avec plus de 100 millions d’habitants (dont 20 millions au Caire), l’Égypte est un pays où l’on peut trouver le meilleur comme le pire. Appliqué au domaine du livre, cela signifie des livres piratés et vendus à la sauvette, qui côtoient des librairies ou des bibliothèques nouvellement ouvertes dans les grandes villes. Cela signifie également de nombreuses publications (on estime que 60 % des livres en arabe sont publiés par des éditeurs égyptiens) mais assorties d’un contrôle des contenus.




Les éditions Le Fennec (Casablanca), venues au Caire dans le cadre d’une participation collective marocaine, en ont fait l’expérience. La version arabe de leur titre Le harem politique - le Prophète et les femmes, de la sociologue marocaine Fatema Mernissi a été interdit à la vente à peine une semaine après l’ouverture du salon. Les éditions Le Fennec ont naturellement déploré cette mesure, et rappelé une décision similaire au dernier salon de Riyad, en Arabie Saoudite.

 

Il est à espérer que la présence d’un représentant égyptien dans le CA de l’international publishers association (IPA) depuis novembre dernier permettra de canaliser la censure, et d’aider les éditeurs locaux à mieux s’organiser contre le piratage. 

Laurence RISSON