"On ne traduit jamais tout seul"

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mai 2024

Presque 25 ans après sa création, le programme Georges-Arthur-Goldschmidt, destiné aux jeunes traducteurs et traductrices littéraires de France, d’Allemagne et de Suisse, fait peau neuve. Toujours coorganisé par le BIEF, la Foire du livre de Francfort et Pro Helvetia avec le soutien de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, Goldschmidt + s’adresse exclusivement aux anciens participants du programme afin de leur proposer une formation continue, primordiale dans une profession menacée par l’IA et qui ne cesse de se précariser.


"Avec Goldschmidt +, nous voulions permettre aux traducteurs et traductrices du réseau Goldschmidt de 'reprendre du service' pour approfondir leurs connaissances, renforcer leur visibilité et élargir leur réseau", explique Niki Théron, responsable de projets internationaux à la Foire du livre de Francfort. "La qualité de nos échanges et de leur participation à la programmation du festival de Soleure prouve que le pari est réussi et que la traduction humaine a, malgré le triomphe de l'IA, encore de beaux jours devant elle."


Niki Théron (Foire du livre de Francfort) défend la cause des traducteurs 


Pour rendre visible le travail de traduction à la fois auprès d’un grand public et d’un public spécialisé, le programme Goldschmidt +, qui a lieu en alternance avec le programme Goldschmidt classique, propose trois modules dont chacun est relié à une manifestation littéraire locale. Ainsi, les Journées littéraires de Soleure ont accueilli le premier module du 09 au 12 mai 2024.



Un lieu idéal pour commencer ce nouveau programme


Créées en 1978, ces journées sont une plateforme pour la création littéraire contemporaine en Suisse qui vise à encourager les échanges entre écrivains, traducteurs, le public, les médias et les maisons d’édition au niveau régional, national et international. Cette année, plus de 80 auteurs et traducteurs y ont participé et animé des lectures, discussions, tables rondes et ateliers dans les quatre langues officielles de la Suisse et dans l’ensemble des domaines littéraires. Le lieu idéal pour ce premier Goldschmidt + !

 

La bonne humeur est au rendez-vous chez les participants


Poésie expérimentale, roman graphique, littérature jeunesse, livre pratique, fantasy, manga, roman noir, livre audio…, les dix anciens participants au programme classique entre 2014 et 2023 sont aujourd’hui actifs dans tous les secteurs. Ce premier module leur a fourni l’occasion d’échanger sur leurs expériences depuis leur première venue au programme Goldschmidt et sur les différentes façons de pratiquer leur métier. Concernant leurs besoins et attentes par rapport à ce nouveau format, tous s’accordent sur l’importance de la mise en réseau, à la fois avec les différents acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, agents, etc.) et avec d’autres traducteurs. Selon Valentin Decoppet, participant suisse, "on ne traduit jamais tout seul". Ainsi, le soutien d’amis, de collègues et de la famille est très important. Mais c’est avant tout le travail en tandem ou en collectif permettant d’aborder les questions de traduction tant au niveau linguistique qu’au niveau du contenu qui enrichit la qualité du texte. 

 


Échanger sur les opportunités et les défis du métier


"J’ai postulé à ce nouveau programme parce que je voulais m’investir davantage dans le partage, ce qui peut être assez difficile lorsqu’on travaille tout seul de chez soi", affirme Gaël Le Lostec, traducteur depuis l’allemand et l’anglais vers le français et participant au programme Goldschmidt en 2019. "Ce premier module était un moment dédié au dialogue et à l’information, ce qui m’a beaucoup apporté au niveau du contact humain et professionnel. Nous avons découvert les actualités du monde littéraire et nous avons échangé sur les opportunités et les défis que nous rencontrons en traduction. Je recommanderais ce nouveau format à tous ceux qui cherchent à entretenir une dynamique d’échange après le programme Goldschmidt."

 

Concrètement, les Journées littéraires de Soleure ont permis à trois participantes et participants de présenter leur travail aux festivaliers. Valentin Decoppet a discuté de sa traduction de Neon Pink & Blue avec son auteure X Schneeberger. Cet échange, qui portait notamment sur la traduction au croisement entre la recherche et la création et le lien entre la traduction et l’écriture créative, était animé par l’ancienne participante Camille Logoz. 




"Chaque langue nous fait ses propres cadeaux"

 

Marion Maurin et Julia Charlotte Kersting, toutes deux du programme Goldschmidt +, ont ensuite présenté leur travail dans le cadre d’un atelier appelé Skriptor, spécialement conçu par le festival et qui consistait à passer au crible publiquement leurs traductions en cours. Un exercice délicat mais fortement apprécié grâce aux commentaires et suggestions bienveillantes de la part de Camille Luscher (éditrice, traductrice et participante du programme Goldschmidt en 2012), Steven Wyss (traducteur et participant en 2021) ou encore de Réka Gaal et Lis Künzli, deux autres traductrices confirmées.


L’atelier, qui portait sur les défis à traduire les subtilités du québécois et la poésie, était modéré par l’ancienne participante Lydia Dimitrow. "Chaque langue nous fait ses propres cadeaux", s’est-elle réjouie tout en soulignant que la traduction littéraire permettait justement de découvrir, recevoir et redistribuer ces cadeaux auprès d’un large public à Soleure… et ailleurs. Les prochains modules du programme Goldschmidt + se dérouleront au festival Vo-Vf à Gif-sur-Yvette en France et à la Foire du livre de Francfort en octobre 2024.