Coup de pouce pour les échanges de droits jeunesse entre le Vietnam et la France

Compte rendu

mars 2024

Habituellement autour des 200 contrats – avec un pic en 2017 (335 dont 235 en jeunesse) - le nombre de cessions a été divisé par deux depuis les années de reprise avec 116 contrats en 2022 dont 64 en jeunesse. Dans un pays où la langue française est valorisée, le BIEF tenait à redynamiser les échanges en entretenant un lien direct avec les éditeurs locaux. Étant donné les à-valoir faibles et les coûts de déplacement élevés, le BIEF et l’Institut français du Vietnam ont conçu un projet hybride comprenant un évènement physique proposé à une cinquantaine d’éditeurs vietnamiens (représentant une vingtaine de maisons d’édition ou d’agents), à l’Ambassade de France de Hanoi, suivies de rendez-vous en ligne avec des éditeurs français. Des livres des 18 éditeurs français participants avaient été envoyés sur place pour accompagner ces rendez-vous.


 

Le programme professionnel comprenait une présentation du marché du livre français (production, best-sellers, canaux de vente et échanges de droits) par Laurence Risson, une présentation du marché du livre jeunesse (acteurs, typologie, tendances) par l’agente Hannele Legras et une présentation du marché de la bande dessinée par Jérôme Baron, directeur des droits chez Casterman et Futuropolis. 


Une industrie du livre récente


Une première table ronde a permis d’échanger sur le soutien à la lecture et les approches marketing des éditeurs, mettant en lumière le peu de politique publique en faveur du livre et de la lecture au Vietnam. La seconde table ronde, qui abordait les échanges de droits entre éditeurs français et vietnamiens, a permis de rappeler que l’industrie du livre au Vietnam est très récente : ce n’est qu’à partir de 2004, lorsque le pays a signé la convention de Berne, que des éditeurs privés ont eu le droit de se créer et de publier et ceci uniquement dans un cadre de coédition avec les éditeurs publics.

 


Une situation qui n’a pas changé. Dans les faits, les éditeurs privés contrôlent une grande partie du marché éditorial puisqu’ils financent et commandent toutes les étapes de la chaîne de production, à commencer par le choix des titres (dans la limite qu’un partenaire public accepte le titre en coédition), en passant par la promotion jusqu’à la diffusion. Mais si les éditeurs publics ne jouent plus aucun rôle ils reçoivent de 5 à 8 % du prix de chaque exemplaire vendu. Les ouvrages produits par les entreprises privées coûtent donc plus cher que ceux issus des maisons d’édition publiques. Parmi les éditeurs publics, seul Kim Dong fait exception puisqu’il refuse de coéditer et garde donc le contrôle sur l’ensemble du travail éditorial et commercial.




Le français, quatrième langue traduite au Vietnam


En termes de contenu, quelques sujets doivent être évités : la nudité et la sexualité, la violence, l’appartenance des îles Paracels aux Philippines et celle des îles Spratly à la Chine, le Vietnam revendiquant ces deux archipels. Enfin, Hô Chi Minh, et plus globalement l’Histoire officielle, demeurent un sujet tabou. 


Parmi les sujets recherchés par les éditeurs, l’édition de savoirs et notamment la philosophie reviennent le plus souvent. La plupart des titres jeunesse sont achetés aux éditeurs japonais ou chinois. Suivent les traductions de l’anglais et du français pour environ 20 %. Avec un tirage moyen de 3 000 exemplaires pour les livres jeunesse, les éditeurs réimpriment très facilement, car l’imprimerie est très développée et de plutôt bonne qualité au Vietnam. Une bonne vente se situera autour de 10 000 exemplaires. 


"Il existe une pratique éditoriale forte autour de la collection. C’est plus facile pour les éditeurs de vendre une collection qu’un titre seul. On retrouve cette offre dans les rayons des librairies, où les livres sont justement présentés par collection. Les nouveautés en revanche ne sont pas forcément mises en avant. Il y a une forte demande des éditeurs pour ce qu’ils appellent des "livres scientifiques pour enfants" – l’équivalent en général, du documentaire en France. J’ai également vu en librairie une bonne présence de l’album et du livre animé", remarque Hannele Legras.




La BD, un marché qui reste à défricher 


Lorsque l’on aborde le sujet de la BD, c’est  le manga qui est cité comme format de référence. Commercialisé à 45 000 dongs (1,80 €) contre 100 000 dongs (4 €) pour les BD à couverture souple, ces livres remportent d’autant plus rapidement le choix du lectorat que celui-ci est jeune. Par ailleurs, taux de foisonnement oblige entre le français et le vietnamien, le travail graphique est très important et d’autant plus délicat pour les achats de bandes dessinées.


"Personnellement, assure Jérôme Baron, je reviens avec de nombreux intérêts pour nos collections de BD documentaires pour la jeunesse, qui déboucheront je l’espère sur de nouvelles collaborations et publications. Quant à la bande dessinée adulte, nous avons identifié quelques interlocuteurs intéressés, mais il faut reconnaître que c’est encore un marché à défricher pour ce type de contenus !" La visite de librairies, même celles bien fournies, a permis effectivement de constater l’absence de bandes dessinées et donc d’en espérer le développement.


270 rendez-vous professionnels et déjà des contrats signés


Ravi d’apprendre que quelques contrats ont déjà été signés à l’issue des rendez-vous en ligne, le BIEF remercie chaleureusement l’Institut français du Vietnam qui a mis tout en œuvre pour que ce projet soit un succès pour les éditeurs français comme vietnamiens. Se révélant très bien adapté au marché vietnamien, ce format pourrait être dupliqué pour d'autres marchés  avec lequels les échanges sont encore modestes mais qui présentent un potentiel de développement. Ce "salon du livre français", comme l’ont surnommé les éditeurs vietnamiens participants, aura par ailleurs, en plus de quelque 270 rendez-vous professionnels, permis de montrer la variété de la production française  à des éditeurs curieux de renouveler leurs catalogues.

Laurence RISSON