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L’avenir des bibliothèques au Brésil

mars 2015

Roberto Bahiense de Castro, directeur général de la bibliothèque en ligne Nuvem de Livros (Groupe Gol), livre sa vision du futur des bibliothèques : un accès amplifié pour les utilisateurs.


"Umberto Eco dit que le web est dangereux pour l’ignorant et utile pour le savant, car il ne filtre pas la connaissance et encombre la mémoire de l’utilisateur.

L’Internet est un égout à ciel ouvert. L’Internet ne sélectionne pas l’information. C’est un monde sauvage et dangereux, où tout surgit sans hiérarchie. L’immense quantité de choses qui y circule est pire que le manque d’information. L’excès d’information provoque l’amnésie. Quand nous ne nous rappelons pas ce que nous apprenons, nous ressemblons aux animaux.

Lorsque l’on pense aux plus importantes, aux plus grandes, aux plus modernes, aux plus belles, et aux plus innovatrices des bibliothèques du monde, on les confronte à ce qui est à venir, inexorablement, parce qu’il ne sera plus possible d’être dans une bibliothèque, d’y sentir le silence presque absolu, comme dans un temple, où habitent les dieux vocabulaires, les pièces historiques, avec leurs pages jaunies et leurs vieux écrits.

 

Il faut déconstruire l’origine grecque du nom bibliothèque, conserver le mot biblion (livre) et le séparer de téké, car ses sens de "boîte" et/ou "dépôt" réduisent et enferment le rôle nouveau et déconcertant des bibliothèques. Les bibliothèques physiques se transformeront en espaces symboliques.

C’est le lecteur, même celui qui lit peu, qui annoncera le futur des bibliothèques. Le plus important n’est pas le système pour rendre disponible la connaissance, mais l’utilisateur de l’information. Ses motifs, ses raisons, ses souhaits et ses envies.

 

Rappelons des faits chiffrés, au Brésil.

65% des établissements d’enseignement dans le pays – public et privé – ne comportent pas de bibliothèques. Les statistiques du recensement scolaire pour l’année 2013 montrent que, depuis 2010, année où une loi est entrée en vigueur pour obliger tous les gestionnaires à avoir jusqu’à 2020 des espaces structurés de lecture dans leurs unités, la situation n’a guère évolué. On est passé de 33,1% d’écoles équipées à 35%.

Le pays vit un triste décalage : des écoles du XIXe siècle, des professeurs avec des ressources du XXe siècle et des élèves connectés au XXIe siècle.

 

À contresens de cette réalité perverse, le Brésil comptait 278 millions de portables et 137,1 portables pour 100 habitants en septembre 2014. À cette date, le Brésil comptait 1,074 millions de téléphones portables de plus qu’en septembre 2013. Pour les premiers neuf mois de l’année, le marché brésilien de tablettes a vu ses ventes augmenter de 20%, par rapport à la même période de l’année précédente, totalisant 6,471 millions de tablettes vendues. On s’attend à ce que ce chiffre atteigne 10 millions d’ici à la fin de l’année.

 

Oublions que les portables et les tablettes sont le "second écran" de qui regarde la télévision. Le public brésilien fait plus attention aux gadgets mobiles qu’à l’écran partagé dans la maison. En revanche, les livres numériques occupent une place de plus en plus importante sur le marché du livre dans notre pays. Selon des données fournies par le Salão de Ideias sobre Cultura Digital, le nombre de titres numériques disponibles est passé de 300 en 2009 à presque 40 000 cette année.

De plus, la vente des e-books représentait 4% des ventes totales des livres au début de 2014 et le rythme de croissance de ce marché au Brésil est plus fort qu’aux États-Unis ou en Europe. Une recherche effectuée par la Fundação Instituto de Pesquisas Econômicas (Fipe) a montré que, cette année, la catégorie a augmenté de plus de 200%.

 

L’enquête "Portraits de la lecture au Brésil", réalisée par la CBL, confirme ce à quoi l’on pouvait s’attendre : les livres numériques sont plus utilisés par les jeunes (51% de ceux qui ont déjà lu ce type de livres ont entre 5 et 24 ans). La question n’est pas d’offrir ou de rendre disponibles des livres à travers les tablettes, les smartphones ou le web, mais de le faire en conséquence.

 

Le numérique ne va-t-il pas remplacer l’imprimé ? Ils sont complémentaires et permettent ensemble au réseau de bibliothèques existant dans le pays d’offrir plus d’options de contenu à l’utilisateur, avec une variation de support et de format, etc. La tendance est aux collections hybrides, avec les ajustements qu’exige chaque type de document. Le numérique permet d’éliminer la manipulation et le déplacement des originaux. L’accès est amplifié, avec des titres disponibles dans les catalogues des bibliothèques, pouvant être consultés n’importe où et n’importe quand. Cependant, notre réalité nous impose une solution transformatrice, radicale, comme un instrument efficace de démocratisation de l’accès à la connaissance.

D’où la nécessité urgente de création d’une nouvelle forme de distribution, dans un environnement libre. Moralement libre.

 

Il faut surtout considérer moins la bibliothèque comme une collection de livres dûment catalogués et répertoriés, que comme une assemblée d’utilisateurs de la connaissance, peu importe qui ils sont et où ils sont."


Roberto Bahiense de Castro, directeur de la bibliothèque en ligne Nuvem de Libros, traduction Mariana Gomes