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Le Billet de New York : le "self-publishing" aux États-Unis, plus qu’une tendance passagère

juillet 2012

Une nouvelle tendance, qui s’accentuera sûrement à la suite des succès de Amanda Hocking et E. L. James (dont “Fifty Shades of Grey” atteint les 10 millions d’exemplaires), est le souhait des maisons d’édition de chercher à reprendre les droits de livres publiés par des “inconnus”.
Il est si facile maintenant de publier un livre aux États-Unis, que toute personne peut se considérer auteur. En effet, il suffit d’un fichier Word du manuscrit et d’une image de couverture pour télécharger un projet sur le site self-publishing d’Amazon, CreateSpace, et ainsi pouvoir le divulguer.
 
En 2009, les éditeurs “traditionnels” ont publié 288 395 titres et les éditeurs “non traditionnels”, incluant les entreprises de self-publishing, les “vanity presses” et autres, ont publié 267 058 titres. En 2010, ce chiffre s’élevait à 316 480 titres pour les premiers et à 2 776 260 pour les seconds !*. Parmi ces données, 133 036 œuvres étaient en self-publishing en 2010, ce chiffre grimpant à 211 269… en 2011**. À BookExpo, cette année, un séminaire appelé uPublishU a attiré 300 personnes.
 
Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, voit dans l’élimination des gate-keepers (gardiens), entre autres libertés, la possibilité de publier soi-même son livre. Comme il le remarque avec fierté, 16 des 100 meilleures ventes pour le Kindle sont des livres publiés à compte d’auteur***. Aux États-Unis, on voit en effet en ce moment une explosion de ce type de livres : sans agent, sans maison d’édition et dans beaucoup de cas sans papier. Et ce grâce à l’évolution de la technologie du “print-on-demand”, du marketing sur Internet et des liseuses, qui peuvent rendre divers formats texte accessibles au public sans connaître une quelconque existence papier.
 
On pourrait situer le moment où tout a basculé, du moins dans la perception de ce genre d’édition, en juillet 2000, quand Stephen King a lui-même publié un de ses thrillers, The Plant. Il a été le premier auteur de best-sellers à le faire. Sur son site, il énonce à l’époque : « Mes amis, nous avons le potentiel pour devenir l’ennemi juré du géant l’Édition ». Depuis, maints auteurs rendus célèbres grâce à leurs éditeurs ont choisi, parfois le temps d’un livre, de s’y lancer. Il n’y a qu’à regarder J. K. Rowling vendre les versions e-book de la série “Harry Potter”, ou les ayants droit de Ian Fleming et d’autres mettant en vente des œuvres qui étaient épuisées et dont les droits avaient été rendus.
 
Ce qui a sûrement contribué à ce changement dans la popularité du self-publishing, c’est l’arrivée des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Maintenant, tout livre, qu’il soit publié par un éditeur traditionnel aux États-Unis ou non, peut et doit avoir une existence sur le réseau pour atteindre le plus grand nombre de lecteurs. Et les éditeurs traditionnels n’ont pas pu se permettre de prendre du retard en la matière, car leurs livres sont en compétition directe avec tout livre disponible, surtout lorsqu’il est en vente, comme le sont la plupart des livres publiés directement par leurs auteurs, sur Amazon. Un avantage certain pour les auteurs est une royalty autour de 70% au lieu de 7,5 à 15%, tout en gardant leurs droits.
 
La plupart des livres publiés de cette façon appartiennent au domaine de la fiction (45% d’entre eux), bien que la non-fiction engendre plus de revenus. Le prix moyen d’un livre à compte d’auteur est de $ 6,94 en fiction et $ 9,32 en non-fiction. Le prix moyen d’un e-book publié à compte d’auteur est de $ 3,18, comparé au prix d’un “trade paperback” (traditionnel) de $ 12,68 et broché de $ 14,40. Bowker rapporte que, parmi les plus grandes entreprises fournissant le service CreateSpace, Amazon arrive en tête avec 57 602 titres à disposition, suivi de AuthorSolutions avec 41 605 titres et de Lulu avec 30 019 titres. La plupart de ces titres existent en “print-on-demand” ou, sinon, en version e-book****. Bowker va aussi s’y lancer, avec la création d’une entreprise intitulée White Paper, et va également créer une liste de best-sellers publiés par cet intermédiaire*****.
 
Et les éditeurs traditionnels, qu’en pensent-ils ?
Un phénomène qui inquiète Jeanne Luciano, la directrice littéraire de W. W. Norton, est le rôle des agents dans cette histoire. Beaucoup commencent à publier les e-books de titres dont les droits électroniques n’ont jamais été cédés selon les anciens contrats. Compétition directe donc avec les éditions papier, avec toutes les conséquences que cela implique.
Une nouvelle tendance, qui s’accentuera sûrement à la suite des succès de Amanda Hocking et E. L. James (dont Fifty Shades of Grey atteint les 10 millions d’exemplaires), est le souhait des maisons d’édition de chercher à reprendre les droits de livres publiés par des “inconnus”, souvent en e-book seulement, et qui détonnent sur la liste des best-sellers. Mais pour quelqu’un comme Elisabeth Schmitz, de Grove Atlantic, maison très littéraire, nul besoin de chercher aussi loin : « Je ne pourrais considérer la republication d’un titre mis en vente par l’auteur que s’il est recommandé par un agent ou un auteur de la maison ».
 
Pour l’agent Rosemary Stimola (The Hunger Games), qui intervenait à une conférence récente sur le livre de jeunesse, chaque mot écrit ne mérite pas publication. Elle craint que tout ce self-publishing ne soit en réalité qu’une grande masse de ce qui est ici appelé le “slush pile”, à savoir les milliers de livres non sollicités et médiocres, auxquels les maisons d’édition doivent sans cesse faire face. De son côté, l’agent Erica Rand Silverman a constaté une nouvelle impatience de la part des auteurs, qui pourrait avoir un lien avec le courant du self-publishing. En effet, après six refus par des maisons d’édition, certains commencent à se dire maintenant qu’ils feraient peut-être mieux de publier leurs livres eux-mêmes. De leur côté, les maisons d’édition aux États-Unis ont tendance à perdre patience dès qu’un titre ne connaît pas le succès, et ils ne suivent plus l’auteur. Dans ces cas-là, quand l’agent a épuisé toutes les autres possibilités, il peut parfois recommander à l’auteur de commencer par publier son livre lui-même. Si le livre se vend, un éditeur sera beaucoup plus intéressé pour acheter les droits par la suite.
 
 
La French Publishers’Agency : 30 ans de relais pour les livres français sur le marché américain
 
The French Publishers’ Agency est une agence littéraire basée à New York qui existe depuis 1983 et qui est associée au BIEF. Elle représente une selection de titres pour ses adhérents. L’agence a comme objectif de frayer des passages pour les auteurs français en langue anglaise. L’an dernier, l’agence a négocié 45 contrats allant pour l’essentiel des cessions de droits pour la traduction de livres en langue anglaise à des extraits d’ouvragres dans des magazines littéraires.

Lucinda Karter en est la directrice depuis 2002. Elle a passé la plus grande part de son enfance en France – où elle a fait sa scolarité en français jusqu’à l’âge de 15 ans – et en Belgique. Après avoir obtenu un diplôme de la University of Pennsylvania en littérature française du XXe siècle, elle est revenue un an à Paris dans le cadre du programme de la Columbia University, étudiant avec Philippe Lejeune, Jacques Lecarme et Marcelle Marini, entre autres. Elle s’est alors spécialisée dans l’autobiographie littéraire. Elle a débuté sa carrière dans l’édition chez l’agent Georges Borchardt, comme assistante, travaillant notamment sur les titres du Seuil et de Minuit. Elle a ensuite passé dix ans dans le secteur des droits étrangers, chez Doubleday, HarperCollins et W. W. Norton. À la French Publishers’ Agency, elle s’occupe de la fiction et de la non-fiction, avec un penchant pour la fiction littéraire, l’histoire de l’Antiquité, la philosophie et la biographie.
 
Alice Tassel a fêté ses dix ans à l’agence en mars dernier. Arrivée de Paris pour une expérience américaine et une année sabbatique après sept années aux droits étrangers des éditions Gallimard, elle n’est jamais repartie. Elle a débuté à la FPA comme stagiaire puis est devenue agente et royalty manager. Elle a un penchant pour les romans littéraires, mais ses goûts se portent également sur les biographies d’écrivains, les ouvrages d’histoire contemporaine et de cinéma. Au fil du temps, elle a rajouté les romans graphiques à son domaine de compétence. Elle vient régulièrement en France, elle effectue notamment un voyage annuel pour l’agence.
 
Samantha Steele est entrée à l’agence en décembre 2010. Elle a travaillé avant chez Abrams Books for Young Readers, Amulet Books, Arthur A. Levine Books et Scholastic Inc. (éditorial et librairie) à New York et au Seuil Jeunesse à Paris (droits étrangers). Elle a fait ses études à la New York University dans les domaines des traductions du français vers l’anglais et de la littérature jeunesse, ce qui l’a conduite à chercher de nouveaux auteurs dans ce secteur, qui peuvent plaire aux enfants américains. Intéressée aussi par les témoignages, elle a vendu récemment les droits de Tu as changé ma vie d’Abdel Sellou à Weinstein Books, juste à temps pour la projection du film Intouchables à New York. Elle a créé un Book Club pour jeunes éditeurs new-yorkais qui s’intéressent à la littérature étrangère, et traduite, du monde entier. Elle gère aussi le site web publishingtheworld.com.

Sophie Schiavo est agent à la French Publishers’ Agency depuis 2007. Après une maîtrise à Paris IV-Sorbonne, elle a été formée aux métiers de l’édition à la City University de New York et s’est spécialisée, dans un premier temps, dans la vente de droits étrangers et le licensing. Cette année, elle vient de compléter sa formation par une spécialisation dans les nouvelles stratégies digitales à la New York University. Elle représente une liste très variée de romans français, allant du roman historique au roman contemporain en passant par le policier et les recueils de nouvelles, avec un intérêt spécifique pour la littérature francophone d’Afrique du Nord et des Caraïbes, mais aussi pour les ouvrages biographiques et autobiographiques de France ou d’ailleurs.
 
 
Titres cédés en 2011
 
  • Abécédaire gourmand (extrait) de Michèle Gazier (Whereabouts Press)
  • Bifteck (extrait) de Martin Provost (Whereabouts Press)
  • Biogée de Michel Serres (Univocal)
  • Brasserie (extrait) de Marie Rouanet (Whereabouts Press)
  • Bye Bye Babylone de Lamia Ziadé (Interlink)
  • Cannibales de Mahi Binebine (Tin House)
  • Ce petit pois-là d’Éric Battut (Sky Pony)
  • Ceux qui ne dormaient pas de Jacqueline Mesnil-Amar (Persephone)
  • Comment cuisiner son mari à l’africaine (extrait) de Calixthe Beyala (Whereabouts Press)
  • Comment va la douleur ? de Pascal Garnier (Gallic)
  • Détoxication optimale de Christopher Vasey (Inner Traditions)
  • Dictionnaire des pierres magiques et médicinales de Claude Lecouteux (Inner Traditions)
  • Fruits et légumes (extrait) d’Anthony Palou (Whereabouts Press)
  • Giocoso, ma non… (extrait) de Christiane Baroche (Whereabouts Press)…
  • Histoire des idées politiques de Philippe Nemo (Duquesne)
  • Kaveena de Boris Boubacar Diop (Indiana)
  • L’âme prêtée aux oiseaux de Gisèle Pineau (Texas Tech UP)
  • La belle amour humaine (extrait) de Lyonel Trouillot (WWB)
  • La cathédrale de brume (extrait) de Paul Willems (Subtropics)
  • La madone des sleepings de Maurice Dekobra (Melville)
  • La maison hantée de Claude Lecouteux (Inner Traditions)
  • La pêcheuse d’eau (extrait) de Claire Julier (Whereabouts Press)
  • La théorie du panda (extrait) de Pascal Garnier (Whereabouts Press)
  • L’A26 de Pascal Garnier (Gallic)
  • Le beau danger de Michel Foucault (Minnesota UP)
  • Le chemin de l’espérance de Stéphane Hessel et Edgar Morin (The Other Press)
  • Le dernier amour de George Sand d’Évelyne Bloch-Dano (Skyhorse)
  • Le pain rouge (extrait) d’André Pieyre de Mandiargues (Words Without Borders)
  • Le palais du mandarin (extrait) de Thanh-Van Tran-Nhut (Whereabouts Press)
  • Le quart de vin à la cantine (extrait) de Laurent Graff (Whereabouts Press)
  • Les enfants des autres (extrait) de Claude Pujade-Renaud (Whereabouts Press)
  • Les étoiles de Sidi Moumen de Mahi Binebine (Tin House)
  • Les huîtres (extrait) de Fabrice Pataut (Whereabouts Press)
  • Les vierges (extrait) d’Irène Némirovsky (Caravan)
  • Lune captive de Pascal Garnier (Gallic)
  • Mamika - Grande petite grand-mère de Sacha Goldberger (Harper Collins)
  • Manger (extrait) de Cyrille Fleischman (Whereabouts Press)
  • Maudit soit Dostoïevski d’Atiq Rahimi (The Other Press)
  • Napoléon et l’héritage de la gloire de Robert Morissey (Chicago UP)
  • Organes (extrait) de Marie-Hélène Lafon (West Brands)
  • Periclès de Vincent Azoulay (Princeton UP)
  • Personne de Gwenaëlle Aubry (Tin House)
  • Regals du Japon et d’ailleurs (extrait) de Dominique Sylvain (Whereabouts Presse)
  • Saisons sauvages de Kettly Mars (Bison Books)
  • Se programmer pour guérir de Yann Rougier (Inner Traditions)
  • Tous comptes faits... ou presque de Stéphane Hessel (Skyhorse)
  • Un Caillou à la mer (extrait) de Nadine Ribault (Whereabouts Press)
  • Un costume rayé d’enfer de Jean-Pierre Renouard (Rowman and Littlefield)
  • Un homme ébranlé de Pascale Kramer (Bellevue)
  • Un pied devant l’autre d’Ann Webb (Skyhorse)
  • Une vie de juif d’Edward Reicher (Bellevue)
  • Variations sur le corps de Michel Serres (Univocal)
  • Voyage au pays des Articoles d’André Maurois (Turtle Point)
  • Voyage de noces (extrait) de Maurice Pons (The Coffin House)
  • Voyages en gourmandise (extrait) de Chantal Pelletier (Whereabouts Press)

Lucinda Karter