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Portrait et entretien de professionnel

Jörn Cambreleng, nouveau directeur du Collège International des Traducteurs Littéraires (CITL) à Arles, partenaire du programme Goldschmidt

août 2009

« La force de ce programme tient surtout à son intégration dans les milieux professionnels concernés des deux pays. »
Le programme Goldschmidt, organisé conjointement par le BIEF, la Foire du livre de Francfort et l’OFAJ, est destiné aux jeunes traducteurs littéraires français et allemands. Le Collège international de traduction littéraire (CITL) est devenu l’un des partenaires de ce programme un an après sa création, en 2000. C’est dans ses murs que les dix participants habitent et travaillent ensemble pendant l’atelier
de traduction vers le français. Questions à son nouveau directeur Jörn Cambreleng, qui a succédé à Françoise Cartano depuis janvier 2009. De par ses origines, il a hérité de la double culture franco-allemande ; il est lui-même traducteur (notamment de pièces de théâtre) et acteur.
 
• BIEF : Cette année, pendant tout le mois de mars, vous avez accueilli les jeunes traducteurs français et allemands. Comment avezvous vécu ces quatre semaines d’échanges aux niveaux professionnel, interculturel et personnel ?
• Jörn Cambreleng : J’ai été frappé par l’excellent niveau des participants, mais aussi par la pertinence du fonctionnement, désormais bien rodé. Il a régné entre les participants un esprit de solidarité, une ouverture à la critique et une bienveillance qui ont permis à chacun d’exposer son travail sans crainte, mais aussi de discuter celui des autres sans fausse pudeur. En arrivant au CITL, les dix jeunes traducteurs avaient déjà acquis cet état d’esprit, notamment grâce au travail effectué avec Brigitte Grosse à Berlin. Pour une grande majorité, leur vie de résident à Arles n’a fait que renforcer cette complicité. L’intensité des échanges qui en ont découlé s’est avérée extrêmement féconde.

• C’est au Literarisches Colloquium à Berlin que se déroule l’atelier de traduction des textes français vers l’allemand. À Arles, les participants travaillent sur la traduction des textes allemands vers le français, avec chacun un partenaire allemand en tandem. Que pensez-vous, en tant que traducteur, de ce principe ?
• J. C. :
Le fonctionnement en binôme est idéal. Il permet à chacun de vérifier les implicites culturels de la langue source et d’éclairer le texte sous un autre angle. Avoir un interlocuteur aussi qualifié pour vous venir en aide est un grand bonheur
intellectuel. En tant que traducteur, j’ai envié leurs conditions de travail. J’ai aussi travaillé en direct avec eux, vers la fin du stage. Certains ont sollicité mon expérience théâtrale sur la façon de présenter publiquement leur texte : parole intime, exposée, adresse au public, parole distribuée à plusieurs voix, texte tenu à distance, incarné, etc. Il ne s’agissait nullement de faire d’eux des acteurs, mais de leur apporter l’expérience d’une lecture publique, qui est une pratique de plus en plus répandue parmi les auteurs ou les traducteurs.

• Le CITL accueille des traducteurs du monde entier, vous organisez les assises de la traduction. Quelle est, d’après vous, la particularité du programme Goldschmidt ?
• J. C. :
Le programme Goldschmidt a ceci de précieux qu’il organise la confrontation des pratiques sur une durée assez longue. Pour les résidents, qui constituent notre public habituel, ces confrontations ont lieu, mais d’une façon informelle et le plus souvent théorique, grâce à la convivialité qu’offre Arles. Les rencontres professionnelles, en particulier les Assises de la traduction littéraire, proposent des ateliers de traduction : ils peuvent réunir jusqu’à 40 personnes, qui planchent pendant deux heures sur un texte. C’est intéressant, mais forcément plus superficiel. La force de ce programme tient surtout à son intégration dans les milieux professionnels concernés des deux pays : la rencontre avec des professionnels de l’édition est extrêmement appréciée par les participants. On voit là le rôle important joué, ensemble, par le BIEF, la Frankfurter Buchmesse et l’OFAJ. Évidemment, cinquante ans d’histoire, ça ne se trouve pas partout…

• Justement, est-ce que vous envisagez de vous inspirer de ce modèle pour votre futur travail au CITL ?
• J. C. : Effectivement, cela constitue un axe fort de mon projet de développement
pour le CITL. Dans plusieurs domaines linguistiques, il existe un fort besoin de renouvellement générationnel. L’idée serait de confier à Arles une mission d’insertion professionnelle et de formation permanente qui en fasse une sorte de Tolède du XXIe siècle, où se développerait un vivier de traducteurs compétents, aguerris aux réalités du métier et passeurs de culture. Une première étape vers un programme bilatéral aura lieu au mois d’octobre avec la Turquie, dans le cadre de la Saison de la Turquie en France. Il faudra construire patiemment les autres partenariats au fil des années à venir. Un temps fort de ces échanges aura lieu en 2013, quand Marseille sera Capitale européenne de la culture. 
 

Propros recueillis par Katja Petrovic